Vers une réforme de la justice au Maroc

Le 26/11/2022 0

 

La réforme de la justice fait l’objet d’une attention constante de la part de Sa Majesté le Roi Mohammed VI depuis Son accession au Trône, donnant Ses Hautes directives pour promouvoir ce chantier et en faire l’une des priorités de la modernisation institutionnelle et du développement dans le Royaume.

Appuyé sur cet esprit Royal réformiste, le Maroc poursuit le processus d’activation de la charte de réforme de la justice, qui a été élaborée après de vastes consultations nationales en application des directives Royales en la matière, en plaçant la modernisation, la moralisation, ainsi que l’indépendance du système judiciaire, au centre des politiques publiques visant à promouvoir l’État de droit et instaurer un climat de confiance, comme catalyseur du développement et de l’investissement.

La Constitution de 2011 comprend ainsi un ensemble de principes qui consacrent l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif, notant qu’il a été procédé ainsi à la création de la Cour constitutionnelle, ainsi qu’à la constitutionnalisation d’un ensemble d’institutions et d’organes judiciaires et des droits de l’Homme, notamment le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, la Cour des comptes, l’Institution du Médiateur, ainsi que le Conseil national des droits de l’Homme.
 

Dans le but d’activer les dispositions de la charte de cette réforme profonde et globale de la justice, il a été procédé à l’adoption d’amendements portant sur un ensemble de projets de lois fondateurs, notamment la réglementation judiciaire, le code de la procédure civile, le code pénal, le code de la procédure pénale et la loi sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle.

Compte tenu de l’importance de renforcer la protection des droits et des libertés, le ministère de la Justice a veillé à l’activation des objectifs de la charte, aussi bien dans les domaines du droit civil et pénal, que dans le commerce, les finances et les affaires.

Le département a veillé également à accroître les performances des tribunaux, développer les capacités institutionnelles de la justice, réformer les professions judiciaires et consolider la transformation numérique de la justice, selon un schéma législatif élaboré à titre de la 11ème législature (2021-2026).

Pour faciliter l’accès des citoyens à la justice, le ministère a pris un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions d’accueil des citoyens devant les tribunaux, à diffuser l’information juridique et judiciaire, à développer le système d’aide juridictionnelle, et à renforcer les capacités de communication des juridictions avec les justiciables et les citoyennes à travers l’organisation de journées portes ouvertes.

Par ailleurs, dans le cadre de la rationalisation de la carte judiciaire du Royaume et son alignement sur le découpage administratif, il a été procédé à la création de nouveaux tribunaux et centres judiciaires dans les différentes régions, ainsi qu’au lancement d’une série d’applications et de services numériques visant à améliorer la transparence et rapprocher les procédures et les démarches judiciaires des Marocains du monde.

Fort de cette ambition et de cette vision stratégique, le Maroc poursuit la réforme de ce chantier stratégique, décrit par Sa Majesté le Roi dans Son discours à l’occasion du 56-ème anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple, comme étant “un chantier ardu et de longue haleine, qui exige une mobilisation générale, non seulement au sein de la famille de la justice et de la magistrature, mais aussi parmi les institutions et les forces vives du pays, voire tous les citoyens”.

Les réformes ne se limitent pas à l’adoption de lois ou à l’élaboration d’études ou de rapports. Il faut aller au-delà et passer à la mise en œuvre. Et c’est là où le bât blesse. Combien de lois et de rapports dont l’aboutissement a nécessité un effort colossal, attendent depuis longtemps leur application sur le terrain. C’est le cas de la « Charte de la Réforme du Système judiciaire », un document d’une très grande qualité, dont le rythme d’implémentation ne cesse de faiblir avec le temps au risque d’être un jour définitivement oublié. 

Au mois de mai 2012, c’est-à-dire moins d’une année après l’entrée en vigueur de la Constitution de 2011, le Maroc a lancé le grand chantier de réforme de son système judiciaire. A cet effet, une instance consultative (Haute instance du Dialogue National sur la Réforme du Système Judiciaire) composée de représentants de tous les secteurs concernés a été mise en place, sous la présidence du ministre de la Justice.

Après de nombreux mois, la Haute Instance a présenté le fruit de son travail dans le cadre d’un document appelé « Charte de la réforme du système judiciaire » qui se présente sous forme d’une feuille de route bien tracée. Il suffit au gouvernement de la suivre, action par action, pour arriver à une réforme globale du système judiciaire. Rien n’a été omis, tous les secteurs de la justice, ont été traités dans tous leurs détails.

Pour mener la réforme, la Charte a retenu six objectifs stratégiques : consolidation de l’indépendance du pouvoir judiciaire, moralisation du système judiciaire, renforcement de la protection des droits et libertés par la justice, amélioration de l’efficacité et de l’efficience de la justice, développement des capacités institutionnelles du système judiciaire et enfin modernisation de l’administration judiciaire.

La Haute Instance a eu le mérite de ne pas se contenter d’énoncer les objectifs stratégiques, elle les a déclinés en 36 sous-objectifs dont l’exécution devrait se faire à travers 353 mesures d’application selon un plan opérationnel détaillé et selon un planning bien défini. Toute la réforme devait être bouclée entre 2014 et 2020. La question est la suivante : où en est l’application de la réforme ?

Il ne serait pas étonnant de dire que le planning fixé par la Haute Instance n’a pas été respecté. Le retard est flagrant. Une partie importante des 353 mesures attend l’application et même celles qui ont été appliquées, elles l’ont été hors délais. C’est dire qu’à ce rythme, l’application de la Charte présentée au Roi en 2013 doit encore attendre de longues années avant sa concrétisation sur le terrain. Certes, des mesures importantes ont été implémentées, mais elles ne représentent qu’un pourcentage très faible des mesures énumérées par la Charte.

Parmi les mesures ayant reçu application, il y a l’élaboration de la loi organique relative au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire(CSPJ), l’affectation d’un budget propre au CSPJ, l’élaboration de la loi organique relative au statut des magistrats, l’adoption d’un mécanisme de coordination entre le CSPJ et le ministère de la Justice et le placement du ministère public sous la présidence du Procureur général du Roi près la Cour de Cassation.

Mais ce qui reste à faire n’est pas de moindre importance et requiert de grands efforts. Pour ce qui est du renforcement de la transparence prévu dans le cadre de l’objectif stratégique relatif à la moralisation du système judiciaire , la Haute instance a recommandé entre autres, la mise en place d’un système de suivi du patrimoine des magistrats, la présence du Procureur général du Roi près la Cour d’appel au Conseil de discipline des avocats et l’élaboration de codes d’éthiques devant être observées par les membres de ces professions. 

Pour ce qui est de l’objectif relatif à la protection des droits et libertés, plusieurs mesures attendent toujours alors qu’elles devaient être mises en place avant 2016. Parmi les mesures proposées citons, la révision du Code de procédure pénale, la révision du Code pénal, la mise en place d’un système de contrôle des expertises et des certificats médicaux, la création d’un observatoire national des crimes et l’organisation de la profession de médecine légale.

Concernant le quatrième objectif relatif à l’«amélioration de l’efficience de la justice», les recommandations en instance sont nombreuses et visent à refondre en profondeur l’organisation judiciaire (faire des tribunaux de première instance l’unité principale de l’organisation judiciaire, revoir les critères de création des tribunaux administratifs et des tribunaux de commerce, révision du Code de procédure civile, informatisaton des procédures et des formalités judiciaires…).

S’agissant du cinquième objectif stratégique relatif au «développement des capacités institutionnelles du système judiciaire», tout le travail reste à faire. Parmi les recommandations de la Haute Instance, citons la révision du régime de formation à l’Institut de formation des magistrats, la création d’un Centre de recherches juridiques et judiciaires, la création d’une Ecole de secrétariat-greffe, la création d’un Etablissement de formation des avocats, l’institution d’un Ordre national des experts judiciaires et l’instauration de la contractualisation pour les honoraires d’avocats.

Le sixième axe stratégique, à savoir la « modernisation de l’administration judiciaire », presque toutes les mesures recommandées par la Haute Instance attendent d’être mises en place. Parmi les mesures recommandées, on peut citer, l’adoption de la signature électronique dans les rapports entre les composantes de l’administration judiciaire et l’adoption du paiement électronique pour le recouvrement des taxes, des frais de justice et des amendes.

La Charte de la Réforme du Système Judiciaire est une mine d’or. Elle mérite d’être bien exploitée. Ne pas le faire est un vrai gâchis pour le pays. Le système judiciaire ne peut être remis sur les rails sans l’application des mesures qu’elle contient. Il y va de l’intérêt national de la mettre en œuvre dans les meilleurs délais.

Il est à noter que l'an 2022 est marqué par l'adoption de la loi n°38.15 relative à l’organisation judiciaire qii a été publiée au Bulletin officiel du 14 juillet 2022. Elle entrera en vigueur en janvier 2023.

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